Cet article est un portage de mon Medium et a été publié originellement le 22 Mai 2025

Avant de commencer, mettons nous d’accord sur la définition des hyperscaler. Quand je parle d’hyperscaler, je parle de Microsoft, Amazon, Meta et Alphabet.

Vous l’aurez probablement remarqué mais ces fameuses entreprises ne paraissent pas si chères à l’égard du marché actuellement. Amazon est sur ses plus bas niveaux de valorisation historique, Google s’échange à 18 fois les bénéfices, Meta 22 fois, le tout pour des entreprises avec pas mal de croissance et 0 dettes. Seul Microsoft fait exception avec une valorisation à 35 fois les bénéfices, mais même ici, au vu de la solidité de l’entreprise, on pourrait arguer que Microsoft n’est pas spécialement chère.

Comme vous le savez, je suis bien positionné sur ces acteurs et le cloud est une de mes thématiques d’investissement préférée. Cependant, je pense qu’il est important d’avoir un avis critique, même sur ses plus fortes convictions.

Vous l’aurez compris, ici, il s’agit plus d’un billet d’humeur pour avoir un avis plus critique et contrariant sur l’investissement dans les hyperscalers.

Comme j’ai pu le dire plus haut, en regardant le ratio cours sur bénéfices (PER) des hyperscalers, on se rend compte qu’il n’est pas spécialement élevé.

Si l’on regarde de plus près, à part pour Microsoft, on est pas sur des valorisations très hautes par rapport à l’historique. C’est même plutôt le contraire: Google est à ses plus bas de 2022 pendant la crise sur les big tech, Meta est à son niveau moyen historique et Amazon est sur ses plus bas historiques.

Oui, mais c’est là où se situe le piège. Je sais pas si vous en avez entendu parler, mais depuis 2 ans, il y a un petit truc qui fait du bruit et qui s’appelle l’intelligence artificielle générative. Vous savez, ChatGPT, Grok, Gemini, etc…

Bref, trêve de plaisanteries. Le soucis avec l’IA générative c’est qu’elle nécessite une immense puissance de calcul. Et pour acquérir cette puissance de calcul nécessaire pour répondre aux besoins de l’IA générative, il n’y a pas 4 chemins possibles: il faut faire des dépenses d’investissement, aussi appelés CapEx, colossales.

Ces CapEx sont dans les bouches de tous les analystes et cadres dirigeants de ces hyperscalers. Et aujourd’hui, on atteint des niveaux records: 80B$ pour Microsoft, 68B$ pour Meta, 75B$ pour Alphabet et plus de 100B$ pour Amazon, rien qu’en 2025 !

La tendance est clairement à la hausse et ces anticipations risquent d’être dépassées, comme en 2024, surtout quand on écoute les derniers earnings call de ces hyperscalers et notamment ceux de Meta qui a annoncé relever la guidance qu’ils ont pu donner plus tôt dans l’année, avec un point médian 6B$ plus haut.

D’après la dernière étude de Morgan Stanley ainsi que l’étude de Dell’Oro, on en serait même qu’au début de cette explosion avec des anticipations pour 2028/2030 à plus d’1T$ de CapEx cumulés sur les datacenters.

Et personnellement, je pense qu’on va entendre parler de ces CapEx encore pendant quelques années si ce n’est pas pour les 10 années à venir.

Aujourd’hui, la demande en puissance de calcul est infinie par rapport à l’offre et, avec l’augmentation de la complexité des modèles, les tokens de raisonnement, la démocratisation, l’adoption massive de l’IA et la baisse du coût de l’inférence, les usages se verront multipliés et ne feront qu’accroître cette demande.

D’ailleurs, tout ceci est confirmé par les récents commentaires d’Amazon et de Google dans leur derniers earnings call: leur croissance est aujourd’hui limité par la capacité de calcul qu’ils arrivent à mettre en ligne et cette nouvelle capacité additionnelle ne fait que répondre à la demande actuelle.

Bon, vous allez me dire: “t’es bien gentil Julien, mais en quoi ça nous aide ?”, et vous auriez raison de le souligner ! En fait, là où je veux en venir, c’est que ces CapEx pèsent sur les Free Cash Flow de ces entreprises:

Comme on peut le voir, depuis 2023, il y a une tendance à la stagnation (voir un déclin sur les 12 derniers mois) des FCF alors que le chiffre d’affaire a continué à croître fortement.

Ces entreprises génèrent donc fondamentalement moins de cash pour les actionnaires et leurs marges sont compressées. Ces CapEx rendent ces entreprises plus risquées, et, même si aujourd’hui ils servent à répondre à une demande immédiate, on est en droit de se questionner sur la rentabilité future que ces entreprises pourront tirer de ces investissements.

Alors oui, ces entreprises sont toujours des machines à cash phénoménales, blindées de cash, sans aucune dette et leur croissance et leur rentabilité sur capitaux engagés sont toujours exceptionnels. Cependant, je peux très bien comprendre qu’un investisseur plus prudent intègre un facteur de risque plus important.

D’autant plus que si l’on regarde du côté d’un DCF ou du prix rapporté aux FCF, ces entreprises sont loin d’être bon marché, d’autant plus si on y intègre les SBC (Stock Based Compensation), ces rémunérations en action qui sont la norme dans le secteur de la tech mais qui ont un impact négatif sur la rentabilité pour l’actionnaire !

Dernier point avant de conclure, et là c’est plus mon côté techos qui revient, mais le cloud IA est en train de refaçonner le marché du cloud. Le secteur évolue très vite et il est possible qu’il n’y ait aucun avantage compétitif sur le segment de l’infrastructure.

Aujourd’hui, ces entreprises ont encore un pouvoir de fixation des prix car la demande est trop forte, mais qui dit qu’une fois que les choses se seront stabilisées, ces entreprises ne se feront pas la guerre des prix s’il n’y a aucun avantage compétitif sur le secteur ?

Alors bien évidemment, ce n’est pas mon scénario privilégié et, même si je suis convaincu que ces CapEx ne font que débuter, je pense que les hyperscalers sont des entreprises extrêmement bien gérées et qui ont toujours su investir comme il faut dans leur croissance.

Cependant, à l’égard de toutes les données qu’on a en notre possession, dire que ces entreprises ne sont pas chères est un peu vite précipité. Oui, je pense que ces CapEx vont générer des montages de cash, mais effectivement, aujourd’hui elles ne sont pas spécialement bon marché quand on regarde les FCF, elles sont même très chères.

Maintenant, on pourra toujours se poser la question de la pertinence d’utiliser un modèle avec des FCF avec autant de dépenses d’investissement mais pour ça, je vous laisserait libre d’en juger par vous-mêmes.

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