Cet article est un portage de mon Medium et a été publié originellement le 28 Mars 2025

Majorana, Willow, Ocelot… Les 3 hyperscalers ont chacun dévoilé leur nouvelle puce quantique en ce début d’année. Et comme à chaque évènement de ce type, la presse s’est emparée de la nouvelle en annonçant que le quantique allait bientôt révolutionner nos vies. Alors, réelles disruptions ou effet d’annonce habituel ? C’est ce qu’on va essayer de décortiquer ensemble !

Avant de continuer, je vous invite vivement à aller lire mon article précédent qui explique le domaine de l’informatique quantique. J’y ai expliqué les bases et je ne reviendrai pas dessus dans cet article.

Par ailleurs, je tiens à préciser que je ne suis pas physicien quantique. Mon explication des avancées restera donc assez simplifiée et dans la limite de ma compréhension du domaine.

Willow: La nouvelle puce de Google

Google a été le premier à dévoiler ses avancées dans le domaine du quantique. Willow, la puce présentée par Google, représente une avancée majeure dans l’un des plus grands défis de l’informatique quantique: la correction d’erreurs.

Les qubits sont extrêmement sensibles aux perturbations extérieures. Par exemple, un simple courant électrique passant à proximité peut fausser leur état. Contrairement aux bits classiques, qui sont soit 0 soit 1, les qubits sont instables et peuvent donner des résultats erronés si on ne les protège pas suffisamment.

Pour limiter ces erreurs, on utilise plusieurs qubits pour en représenter un seul. On peut voir cela comme un vote: si trois qubits sont censés représenter une valeur unique et qu’on observe 010, on considère que la majorité indique 0. Mais cette méthode n’est pas parfaite: si trop d’erreurs s’accumulent, on finit par obtenir un mauvais résultat sans pouvoir le corriger.

C’est là qu’intervient Willow. Jusqu’à présent, ajouter des qubits pour corriger les erreurs ne suffisait pas toujours: le bruit introduit pouvait compenser les bénéfices du système de correction. Avec Willow, Google a réussi à atteindre un seuil critique où la correction d’erreurs devient réellement efficace. Cela signifie que plus on ajoute de qubits, plus l’information devient fiable, ce qui est une première.

Cependant, l’objectif final reste encore lointain: Google estime qu’il faudrait 20 millions de qubits pour qu’un ordinateur quantique puisse casser le chiffrement RSA, utilisé pour sécuriser tous nos systèmes informatiques actuels. Aujourd’hui, les machines les plus avancées atteignent environ 1 000 qubits. Mais avec Willow, un cap important a été franchi vers la démocratisation de l’informatique quantique.

Majorana: un nouvel état de la matière découvert par Microsoft ?

Microsoft a été le deuxième à annoncer ses avancées dans l’informatique quantique. Ils affirment avoir réussi à exploiter les fermions de Majorana, des particules hypothétiques qui pourraient révolutionner le domaine en permettant la création de qubits topologiques bien plus stables et résistants aux erreurs.

Théorisés en 1937, les fermions de Majorana sont des particules qui sont leurs propres antiparticules. Bien qu’encore difficiles à détecter directement, ils offrent un avantage clé en informatique quantique: ils permettent d’encoder l’information de manière délocalisée. Cela réduit l’impact des perturbations extérieures et améliore considérablement la stabilité des qubits.

Majorana 1, la puce quantique de Microsoft, repose sur un nouveau matériau appelé « topoconducteur ». Ce matériau permettrait de manipuler les fermions de Majorana de manière fiable, rendant les qubits plus robustes et leur mise à l’échelle bien plus facile.

Cependant, cette annonce est entourée de controverses. En 2018, Microsoft avait déjà affirmé avoir détecté des fermions de Majorana… avant qu’une analyse ne révèle des biais dans leurs résultats, les forçant à se rétracter. Aujourd’hui encore, bien que Majorana 1 semble marquer un tournant, la communauté scientifique reste prudente.

Il est encore trop tôt pour valider ces avancées. Mais si elles étaient confirmées, Majorana 1 représenterait une avancée majeure, bien plus significative que celle de Google avec Willow. Les qubits topologiques nécessitant bien moins de correction d’erreurs, Microsoft pourrait alors atteindre plusieurs millions de qubits exploitables bien plus rapidement que ses concurrents. Cela ouvrirait la voie à des ordinateurs quantiques plus simples, performants et évolutifs.

Ocelot: Amazon entre lui aussi dans la course

Amazon a été le dernier à dévoiler sa nouvelle puce (et première pour l’entreprise !) nommée Ocelot. Cette puce repose sur une approche innovante avec les qubits de chat, une technologie inspirée du célèbre paradoxe de Schrödinger, qui permet de rendre les qubits plus stables et résistants aux erreurs.

Contrairement aux méthodes traditionnelles qui nécessitent des processus complexes de correction d’erreurs pour assurer la fiabilité des calculs, les qubits de chat sont naturellement plus robustes, ce qui réduit les ressources nécessaires pour la correction d’erreurs.

Ocelot intègre une architecture particulièrement bien pensée, comprenant cinq qubits de chat, stabilisés par des circuits tampons, et quatre autres qubits spécifiquement dédiés à la détection et à la correction des erreurs.

Ce système optimise l’utilisation des qubits tout en réduisant les risques de perturbations extérieures, ouvrant la voie à des ordinateurs quantiques bien plus performants et évolutifs. En outre, la puce Ocelot, compacte et mesurant seulement quelques centimètres carrés, est conçue pour être scalable, ce qui pourrait permettre de gérer des millions de qubits dans un avenir proche.

Cependant, bien que cette technologie semble prometteuse, elle en est encore à ses débuts, et beaucoup de questions subsistent quant à sa viabilité à grande échelle.

Pour l’instant, elle n’est disponible qu’en prototype, et il faudra encore attendre des validations indépendantes pour juger de son efficacité réelle face aux avancées des géants comme Google et Microsoft. Néanmoins, cette annonce place Amazon sur la carte des acteurs majeurs dans la course à l’informatique quantique, avec un potentiel d’innovation significatif pour l’avenir.

Conclusion

Ces annonces sont toutes les trois prometteuses et illustrent que la course dans l’informatique quantique n’en est qu’à ses débuts. Google, Microsoft et Amazon ont chacun une approche unique, et il est encore trop tôt pour déterminer quelle sera la meilleure.

Google, acteur historique de la recherche quantique, a impressionné la communauté scientifique avec une annonce qui est la plus crédible des trois. Son avancée dans la correction d’erreurs avec Willow marque un véritable tournant dans le domaine.

L’annonce de Majorana 1 de Microsoft, quant à elle, suscite encore des doutes dans la communauté scientifique. Bien que l’entreprise affirme avoir franchi un cap majeur, il reste des questions sur la validité de ses résultats, et il est encore trop tôt pour juger de la portée réelle de cette prouesse.

Amazon, de son côté, a fait une entrée fracassante en se positionnant comme un acteur clé, grâce à une approche innovante avec les qubits de chat, une technologie prometteuse qui pourrait bien changer la donne à long terme.

Cependant, ces puces restent aujourd’hui des prototypes sans applications réelles. Les annonces de puissance atteinte par Google et Microsoft, bien qu’impressionnantes, sont principalement des arguments marketing, car les calculs réalisés n’ont pas d’applications concrètes. Ils servent avant tout à évaluer la puissance théorique des puces.

Le chemin reste encore long avant que des processeurs quantiques soient réellement exploitables. Pour cela, il faudra atteindre des tailles en termes de qubits bien supérieures à celles qui ont été annoncées, et surmonter d’autres défis techniques majeurs.

La course reste donc ouverte !

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